– Entretien avec Cyril Wolkonsky –


Le parc de Soquence est célèbre pour sa succession de terrasses qui s’étagent entre une maison de campagne, telle qu’on la concevait à la fin du XVIème siècle, et la Seine, située une vingtaine de mètres en contrebas, au sud. Cette disposition offrait tout à la fois une vue grandiose vers le fleuve et un ensoleillement maximum pour les arbres fruitiers qui étaient disposés sur les terrasses.

Celles-ci constituent une petite partie seulement d’un parc de 25 hectares, dont l’essentiel a été redessiné dans un style romantique au milieu du XIXème siècle.
Le manque d’entretien depuis la dernière guerre et les tempêtes successives, en particulier celle de 1999, qui a fait tomber 360 grands arbres, ont rendu moins lisible le dessin de ce parc à l’anglaise.
Cyril Wolkonsky a eu la charge de Soquence alors qu’il n’avait que 27 ans. Son grand-père, S.A.S. le prince Pierre Wolkonsky avait quitté la Russie en 1917 et avait épousé Hélène de Bonneval, descendante d’un président du parlement de Normandie. Les Bonneval sont présents à Soquence depuis 1580. Pierre Wolkonsky a créé le célèbre jardin de Kerdalo, en Bretagne. Son petit-fils a entrepris de sauver le domaine de Soquence à partir du milieu des années 1980. L’ancien château de Soquence est devenu inhabité depuis la construction du Château neuf, manoir néo-Renaissance construit vers 1840.

Cyril Wolkonsky et son épouse Laetitia se sont attachés à redonner forme au parc romantique en replantant des centaines d’arbres : allée de frênes le long de la Seine, chênes, hêtres, cèdres, pins, noyers … et ces arbres ont déjà une belle allure.De façon assez originale pour des plantations dans un parc, des noix d’Amérique ont été mises en terre directement aux endroits voulus, par groupe de trois, afin de ne pas avoir à les déraciner et risquer d’abimer leur collet, qui est très sensible. La plupart des noix ayant poussé il a suffit de ne retenir qu’un seul plant dans chacun des groupes de trois noix plantées et obtenir ainsi un alignement régulier. Les lisses en bois que l’on voit derrière les noyers ont été enduites d’huile de vidange, qui repousse les insectes.

La restauration de l’ensemble du parc de Soquence a fait l’objet d’une pré-étude paysagère conduite en 1991 par l’architecte-paysagiste Clotilde Duvoux, sous l’impulsion de l’Association Régionale des Parcs et Jardins de Haute-Normandie.
Un relevé de l’état de l’époque a été fait, ainsi que des propositions de réhabilitation du parc.Une étude spécifique sur les terrasses a ensuite été conduite par l’architecte-paysagiste, comprenant leurs relevés ainsi que ceux du logis et de la galerie.

De 1994 à 1997, les murs du jardin ont été restaurés, ainsi que la toiture de la galerie du Vieux Soquence, en suivant les recommandations de la DRAC. La plantation des terrasses a été menée par Cyril Wolkonsky et l’équipe du parc.
Le résultat est imposant, non seulement par laqualité des collections mises en place, mais aussi par leur échelle monumentale. C’est ainsi par exemple que l’allée la plus haute, qui court au pied du Vieux Soquence, mesure 75 mètres de long.
Elle est composée d’une mosaïque de galets dessinée par Peter Wolkonsky, bordée sur toute sa longueur de perovskias et de Lavandula Hidcote Blue,alternant avec des taches de gauras roses ou blanches, le tout étant encadré par un liseré de buis. Le bâtiment est recouvert de bignone ‘Madame Galen’ et de chèvrefeuille.

Les murs de chacune des terrasses suivantes sont palissés de poiriers ou de pommiers formés en palmettes, bien étiquetés, entre lesquels se trouvent des rosiers, en particulier des roses iceberg.

La 3e terrasse regroupe des espèces provenant de Saint-Cloud et de la collection d’iris du Jardin des Plantes de Rouen. Ceci a été fait dans le double but de perpétuer un attachement familial aux iris et de pérenniser une collection en la multipliant. Des collections de pivoines, d’iris, d’euphorbes, d’asters d’automne et de rosiers illuminent les terrasses aux différentes saisons.

Le Vieux Soquence est inhabité depuis un siècle et demi mais il est destiné à reprendre vie, au fur et à mesure des restaurations qui continueront à être effectuées à l’intérieur.
Ses fenêtres et sa grande baie vitrée centrale sont faites pour goûter la richesse du paysage en direction de la Seine : quand un paquebot passe, on a l’impression qu’il traverse le jardin… Les terrasses sont déjà le centre de la vie à Soquence et le bassin restauré permet à la galerie de se refléter dans l’eau.
La terrasse inférieure comprenait autrefois un verger. Elle est maintenant constituée d’une vaste pelouse, bordée du côté de la Seine par quelques unes des 72 caisses à orangers qui se trouvent dans le parc.
Les côtés de ces caisses, en chêne, ont dû être changés au bout de 10 ans car ils avaient pourri. Ils ont été remplacés par les jardiniers qui les ont reconstruits en acacia etles ont recouverts de goudron sur les faces intérieures.
Les faces visibles sont repeintes tous les quatre ans. Ces caisses contiennent des lauriers du Portugal taillés en forme de boules en haut d’une tige.



Depuis 2015, la cour intérieure du Vieux Soquence a été complètement transformée.

Bordée de bâtiments bas sur trois côtés, elle avait été autrefois fermée par un mur mais celui-ci n’existait plus. Sur les dessins de Cyril Wolkonsky, un long treillage a été construit à sa place.
Ce fut un très gros travail, qui a été réalisé là encore par les jardiniers. Ils ont eux-mêmes cintré les baguettes de châtaignier en les plaçant pendant une heure dans un tuyau rempli par la vapeur d’eau émise par une cocotte minute…
Cela les rendait assez souples et permettait de les fixer ensuite sur un gabarit, dont elles gardaient la forme une fois séchées. Ce procédé artisanal a permis de réaliser le porche d’entrée de la cour.

Au centre de cette cour se trouve un bassin contenant des nymphéas. Quatre pyramides en ifs l’encadrent.
Les travaux réalisés de façon continue depuis plus de trente ans ont redonné à Soquence une large part de sa grandeur passée.
La plupart des travaux sont effectués dans le parc par deux jardiniers à plein temps. Leurs activités vont au-delà du jardinage : en 2016, ils ont réalisé un œuvre sculptée originale, un « Mikado », constitué de multiples pieux de bois, épointés comme des crayons et enfoncés dans une sorte de grande sphère métallique formée par autant de tubes qu’il était prévu de crayons. L’ensemble mesure plus de cinq mètres de haut et il a été installé sur la grande pelouse située derrière le château neuf.
Texte :Benoît de Font-Réaulx,
Photos : Cyril Wolkonsky (CW) et BFR
Soquence se trouve en rive droite sur la première boucle de la Seine en aval de Rouen. Le parc est ouvert pour les groupes sur demande écrite adresssée à M Cyril Wolkonsky, 2 route de Soquence, 76113 Sahurs. Nombreux renseignements sur la page dédiée au jardin