Le jardin potager de Miromesnil, situé aux abords immédiats du château, a été l’un des premiers à introduire en quantité des bordures mélangées de fleurs au sein d’un potager à usage familial.

Ce jardin est abrité par un haut mur construit en 1642, en briques roses de Varengeville, chainé de pierres, qui a été restauré au début des années 90. Dès le Moyen Âge, il est devenu courant de ceindre les potagers d’un mur, à titre de protection contre les éléments (le vent ou le froid), les animaux et le vol.
La brique a par ailleurs la particularité d’emmagasiner la chaleur et de la restituer en créant ainsi un microclimat. Ce mur permet aussi le palissage d’arbres fruitiers, comme les poiriers en espalier exposés au sud.
Le potager de Miromesnil présente un plan classique bien français : quatre carrés de légumes séparés et entourés par des allées de gazon. Son originalité vient de la présence des « mixed-borders » qui entourent les carrés de légumes. Ces fleurs donnent à ce jardin une profusion toute britannique.
Cette disposition a été mise en place après la Seconde Guerre Mondiale par ma grand-mère, Simone de Vogüé. Au lendemain du conflit, le jardin potager du château était devenu un véritable terrain vague couvert de ronces, avec une terre très lourde, argileuse, recouvrant du calcaire.
Dans un premier temps, il a fallu améliorer la terre par des apports annuels de fumier. La comtesse de Vogüé a ensuite commencé à cultiver des légumes destinés à nourrir ses 8 enfants puis très vite elle a ajouté des fleurs pour égayer la maison. Des fleurs faciles à cultiver : des capucines, des soucis, des œillets ou roses d’Indes…
Ce mélange de fleurs, de fruits et de légumes était novateur à cette époque. La comtesse de Vogüé choisissait chaque variété avec soin et elle faisait venir des graines du monde entier (du maïs des États Unis, des delphiniums d’Angleterre par exemple).
C’est aussi grâce à une profonde amitié avec les propriétaires de deux magnifiques jardins situés à quelques kilomètres de Miromesnil – la Princesse Sturdza au Vastérial et Mary Mallet au Bois des Moutiers – que des échanges d’arbres, de graines ou de conseils lui ont permis d’enrichir le parc d’une collection d’arbres intéressante.

C’est son fils, Thierry de Vogüé qui s’est ensuite occupé de Miromesnil, entre 1994 et 2001. Il a complété le verger et a eu l’idée de tondre la pelouse du parc, du côté sud, en forme de damiers, pour rappeler les jardins à la Française qui existaient à cet endroit au XVIIIe siècle.
Nous continuons à effectuer des tontes différenciées sur une surface d’un hectare : les allées sont coupées toutes les deux semaines, à 6cm de haut, alors que les carrés ne sont tondus que toutes les deux semaines, à 12,5 cm de haut.
Depuis 2004, avec mon mari, Jean-Christophe Romatet, j’essaye de poursuivre la tradition familiale afin de préserver au maximum l’esprit des lieux, avec un souci constant, celui de partager avec un public aussi large que possible cet endroit très privilégié.
Le jardin potager de Miromesnil a conservé sa vocation première puisque les légumes sont consommés par notre famille et par le personnel.


Sur les 2500 m2 que constituent ce jardin, on cultive :
- quelques légumes anciens : topinambours, pâtissons, poirées,
- des variétés locales : le chou de Saint-Saëns, la carotte de Saint Valéry, le poireau d’Elbeuf, la mâche verte de Cambrai, le radis de Gournay,
- des légumes plus traditionnels : betteraves, pommes de terre, haricots, épinards.
On trouve aussi des arbres fruitiers, des fruits rouges (framboises, fraises, groseilles) et des plantes aromatiques. Enfin, comme on ne gâche rien à Miromesnil, lorsque la récolte est abondante, les légumes sont donnés à un monastère des environs et deux vide-jardins sont organisés, les derniers week-ends d’août et d’octobre. Les particuliers peuvent alors repartir chez eux avec des légumes du château fraîchement cueillis.
Les fleurs permettent aussi d’avoir des bouquets au château toute l’année. Les plantes bulbeuses qui dominent au printemps (tulipes, narcisses, jonquilles, muscaris) sont relayées par des vivaces (pivoines, campanules, achillées, asters….) et des annuelles élevées sur place (cosmos, lavatères, cléomes), qui assurent l’essentiel de la floraison d’été, apportant une grande variété de formes, de volumes et de coloris.
Chaque année, en composant les plates-bandes, nous nous efforçons de respecter une harmonie générale de camaïeux de teintes vives qui s’accordent avec la couleur rose orangée des murs de briques. Bien sûr, les fleurs sont placées en fonction de leur hauteur :
- Les plantes de bordure (moins de 30 cm), le long des allées de gazon : des vivaces (primevères, asters nains, œillets, campanules, népétas, lychnis); des plantes de rocaille classiques : aubriète, thlaspis, saxifrage ; et des annuelles (lobelias, anagalys, ageratum), en plus de quelques bulbes.
- Les plantes moyennes (40 à 80 cm) : vivaces (penstemon, geraniums, phlox, ancolies, achillées, campanules, sedums) ; annuelles (sauge, tabac, héliotropes) ; ainsi que la plupart des bulbes.
- Les grandes plantes (1 à 1,8 m) situées en fond de plate-bande contre les carrés de légumes : vivaces (asters, aconit, phlox, pivoine et eupatorium) ; annuelles (cosmos et cléome spinoza).

Le potager de Miromesnil jouit aujourd’hui d’une renommée internationale.
Simples curieux ou experts, les visiteurs viennent du monde entier admirer le travail réalisé par les jardiniers du château.
Il ne faut pas moins de 2 jardiniers à temps plein et 2 apprentis pour entretenir le domaine.
Grâce à leur talent, le jardin de Miromesnil, classé parmi les jardins remarquables, a été distingué par différents prix. Jérôme Buisson, jardinier en chef de Miromesnil, lui a fait remporter en 2010 le prestigieux Grand Prix de la Société Nationale d’Horticulture. Nos visiteurs ne doivent pas hésiter à les aborder : ils sont passionnés par leur métier et sont toujours prêts à donner des conseils.
Pour mon mari et moi, la décision de reprendre la charge de Miromesnil a été murement réfléchie mais lourde de conséquences.
C’est en effet une entreprise qu’il faut s’efforcer de maintenir à flot malgré les lourdes charges que le parc et le château entrainent. Nous découvrons régulièrement des chantiers qu’il faut ouvrir, dont certains sont de longue haleine, comme la réfection des toits.

Dès le début, nous avons aménagé des chambres d’hôtes, puis nous avons créé des gites ruraux, et nous louons le château pour des séminaires et des réceptions. Nous organisons également des cours de cuisine (avec les légumes du potager bien sûr), un marché de Noël, et diverses manifestations culturelles.
L’organisation des visites (du potager, mais aussi du parc, du château et de la chapelle) pendant les sept mois d’ouverture annuels nécessite une présence continue et développe nos compétences linguistiques…
Toute la famille est associée à cette entreprise, y compris nos trois enfants, qui savent bien que la vie de château n’est pas une sinécure…mais qu’il y a beaucoup de joie à faire vivre un tel site.
Nathalie Romatet
Nombreux renseignements sur la page dédiée au jardin de Miromesnil